2 L’équation du temps

Depuis Copernic, on sait que la Terre tourne autour du Soleil, et Kepler a montré plus tard que cette trajectoire n’était pas un cercle, mais une ellipse dont le Soleil occupe l’un des foyers. L’écart entre la trajectoire circulaire et la trajectoire elliptique est très faible et n’est pas graphiquement visible, à moins d’exagérer fortement l’ellipticité de la trajectoire réelle. Cependant, cette faible différence de trajectoire se traduit dans les faits par une irrégularité de l’heure de passage au méridien local du Soleil, à laquelle s’ajoute une deuxième irrégularité provenant de l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre sur elle-même par rapport à la normale au plan de rotation autour du Soleil (plan de l’écliptique).

2.1 Cas de la trajectoire circulaire

Dans un premier temps, considérons que la trajectoire de la Terre autour du Soleil est un cercle. Un jour solaire est défini comme le temps moyen entre deux passages successifs du Soleil au méridien local, et cette durée vaut 24 heures. Sur la figure 1, on se rend bien compte qu’en 24 heures, la Terre a tourné de plus de 360, elle a donc fait plus d’un tour sur elle-même. L’angle supplémentaire (noté θ sur la figure) est égale à l’angle qu’à parcouru la Terre autour du Soleil en 24 heures. Par conséquent, sachant que la Terre effectue une rotation autour du Soleil en 365, 2564 jours (durée de l’année sidérale), le temps tθ nécessaire pour tourner de l’angle θ vérifie tθ24 = 1365, 2564, soit tθ = 3min56s. Donc la Terre effectue une rotation de 360 en 23h56min4s, c’est ce qu’on appelle le jour stellaire (le jour sidéral est lié à l’année tropique [1], et plus court de 8 millièmes de secondes).


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FIG. 1: Déplacement de la Terre sur une trajectoire idéale circulaire autour du Soleil.


2.2 Influence de l’ellipticité de la trajectoire

2.2.1 Anomalie moyenne

Imaginons encore quelques instants que la Terre se déplace sur un cercle. On appelle anomalie moyenne (que l’on note M) l’angle parcouru sur ce cercle par la Terre par rapport à une position de référence. On calcule donc d’abord l’anomalie moyenne M en fonction du jour julien J (l’utilisation des jours juliens permet une numérotation continue des jours, indépendamment de la durée des années) :

M  =  M0 + M1 (J -  J2000),
(1)

avec J2000 = 2451545, M0 = 357, 5291 et M 1 = 0, 9856∕jour pour la Terre. La valeur de M 0 correspond à la position de la Terre le 1er janvier 2000 à 12h UTC par rapport à la position de référence (le périhélie) ; on peut en déduire que la Terre est au plus près du Soleil vers le 3 janvier, et seuls les habitants de l’hémisphère sud sont en droit de penser qu’il fait plus chaud quand le Soleil est plus proche. La conversion d’une date du calendrier classique (calendrier grégorien) en jour julien est détaillée dans l’annexe A.

2.2.2 Anomalie vraie

Dans les faits, la trajectoire de la Terre est une ellipse. Par conséquent, sa position n’est plus une fonction linéaire de la date julienne, elle se déplace plus rapidement lorsqu’elle est près du Soleil que lorsqu’elle en est éloignée (seconde loi de Kepler, ou loi des aires). Pour tenir compte de l’ellipticité de la trajectoire, on doit corriger M d’une quantité C appelée équation du centre, de manière à obtenir l’anomalie vraie ν :

ν = C  + M.
(2)

Le calcul fait intervenir l’excentricité e de la trajectoire (voir les détails en annexe B, ainsi que la référence [2] pour une démonstration très complète) et on obtient pour finir :

C  = (2e - 1e3) sin(M  ) + 5-e2sin(2M ) + 13-e3sin (3M ).
           4             4              12
(3)

Connaissant l’excentricité e = 0, 01671, on trouve (en degrés)

C  = 1,9148 ∘sin (M  ) + 0, 0200∘sin(2M ) + 0,0003 ∘sin (3M ).
(4)

Une manière plus intuitive de comprendre le phénomène consiste à se dire que si la Terre avance plus vite sur sa trajectoire (ce qui est le cas au périhélie), alors après 24 heures le Soleil apparaîtra plus à l’Est que sa position «idéale», il sera en retard par rapport à l’heure moyenne (figure 2). Au contraire, si la Terre avance moins vite, alors le Soleil sera en avance par rapport à l’heure moyenne.


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FIG. 2: Influence de l’ellipticité de la trajectoire de la Terre sur l’équation du temps. La Terre se déplace ici avec une vitesse supérieure à sa vitesse moyenne du fait de sa proximité avec le périhélie de sa trajectoire.


2.3 Influence de l’obliquité

Du fait de la non coïncidence entre le plan de l’écliptique et le plan de l’équateur céleste (l’angle entre ces deux plans est égal à l’inclinaison de l’axe de la terre, soit ε = 2326= 23, 43), les angles azimutaux permettant de repérer le Soleil dans chacun de ces deux plans, la longitude écliptique λs et l’ascension droite αs respectivement, ne vont pas êtres identiques, et leur différence représente un nouvel écart entre la position réelle du Soleil et sa position moyenne, qui est celle qu’il aurait si l’axe de la Terre n’était pas incliné. On appelle réduction à l’équateur et on notera R cette contribution, dont le calcul est précisé en annexe C :

       1  2   1  4    17  6              1  4   1  6             1  6
R =  (- 4-ε -  24ε -  2880-ε) sin(2λs ) + (32-ε + 96ε )sin(4λs) - 192ε  sin(6λs),
(5)

avec

λ  = 280,47 ∘ + M (J - J    ) + C.
 s               1       2000
(6)

Après calcul on obtient

R =  - 2,4680∘sin(2λs) + 0,0530 ∘sin (4 λs) - 0, 0014∘sin(6λs).
(7)

Le lecteur pourra encore une fois se référer à la référence [2] pour une étude très complète, ainsi qu’aux nombreuses animations disponibles sur le site [3].

2.4 Conséquences de l’ellipticité et de l’obliquité

Nous avons vu précédemment que du fait de l’ellipticité de la trajectoire de la Terre et de l’inclinaison de son axe de rotation par rapport au plan de l’écliptique, deux corrections devaient être introduites pour calculer la position du soleil par rapport au cas idéal d’un mouvement circulaire dans le plan de l’équateur. La somme de ces deux corrections, appelée Équation du temps (figure 3[45], donne l’écart ΔT (en minutes) entre le temps moyen et le temps vrai. L’équation du temps s’annule quatre fois par an, aux environs du 16 avril, 13 juin, 2 septembre et 25 décembre. Elle atteind son minimum (-16 minutes 25 secondes) le 3 novembre et son maximum (14 minutes 14 secondes) le 11 février (calculs pour l’année 2006). La première étude de cette équation (au sens du XVIIIè siècle, c’est-à-dire correction) est due à l’astronome anglais John Flamsteed en 1672.

ΔT (min ) = (C + R ) × 60.
                       15
(8)

Lorsque l’équation du temps est positive, le soleil est en retard sur l’horloge, et lorsque l’équation du temps est négative, le soleil est en avance sur l’horloge.


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FIG. 3: Équation du temps (en minutes). L’influence respective de l’ellipticité (équation du centre) et de l’obliquité (réduction à l’équateur) est également présentée.


Une des conséquences de l’équation du temps est que si l’on représente la position du Soleil dans le ciel pour une heure fixe tous les jours de l’année, alors on obtient une courbe appelée analemme (figures 4 et 5[6].


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FIG. 4: Position du Soleil dans le ciel à midi moyen, quatre heures auparavant et quatre heures après.


C’est cette courbe qui est parfois représentée sur les cadrans solaires autour de la ligne du midi vrai. C’est à Jean-Paul Grandjean de Fouchy que l’on doit le premier tracé d’analemme autour d’une méridienne vers 1730.


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FIG. 5: Analemme photographié par Anthony Ayiomamitis à Athènes, du 7 janvier au 20 décembre 2003. Reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur [7].


Une seconde conséquence de l’équation du temps, décrite dans la section suivante, est que les heures de lever et de coucher du Soleil ne sont pas uniquement régies par la déclinaison du Soleil.

Il faut noter que la définition choisie pour l’équation du temps n’est pas universelle, il semble que la plupart des pays anglo-saxons utilise la convention opposée, à savoir équation du temps = temps vrai - temps moyen. La définition «française» a l’avantage de donner une valeur qu’il suffit d’ajouter à l’heure indiquée par un cadran solaire pour avoir l’heure légale (sans oublier la correction en longitude et le fuseau horaire).

À cause de l’équation du temps, il n’est donc jamais midi (vrai) à la même heure, et l’heure légale associée peut varier dans une plage de trente minutes.